Depuis le 04 avril, une photo montrant des hommes en uniforme militaire rassemblés autour d’un cercueil rouge rempli d’armes et de munitions a été massivement relayée sur les réseaux sociaux. La légende associée affirme qu’il s’agit des Wazalendo qui ont saisi ces armes au M23 dans les environs de Walikale, au Nord-Kivu.
Cependant, les recherches entreprises par Thibitisha Fact à travers la recherche par image inversée de Google tels que Google Lens, Google Search by Image et Yandex, révélent que l’image provient en réalité du Nigéria, et montre une opération des forces armées nigérianes ayant intercepté un faux convoi funèbre utilisé par Boko Haram à Maiduguri, dans le nord-est du pays.
Affirmation
« Un cercueil d’armes et munitions saisi, ce jeudi 03/04/2025 aux alentours de Walikale, par les résistants Wazalendo. Nouvelle stratégie de l’ennemi qui est en difficulté de ravitaillement sur cet axe, par peur d’être repéré par les drones de surveillance et d’attaques, change les stratégies de ravitaillement en transportant les armes et munitions dans les cercueils. Et les soldats du RDF M23 M23 se camouflent en civil. Malheureusement, les résistants Wazalendo sont très vigilants », affirme le compte Facebook Kinshasa actualité.cd (lien archivé ici)
Cette même information a été publiée sur le compte Facebook de Jean Paul Kuba Mukinayi (lien archivé ici). Publiée ce 04 Avril, ce post a accumulé, 452 j’aimes, 60 commentaires et 58 partages jusqu’à ce samedi 05 avril.

Cette publication a été reprise par certains internautes comme ici et ici, accentuant ainsi la viralité de cette information.
Des internautes ont cru en l’information
« Bravo chers wazalendos ,sans vous a cette heure ,on allait parler de l’histoire autrement et négativement ,merci beaucoup et félicitations bana ya mboka » (sans correction), s’exclame un internaute.
L’autre internaute loue la révélation que Dieu a faite aux Wazalendo.
« Vraiment tout est vanité seul Dieu qui a révélé aux wazalendo ce cercueil d’armes. Courage mes frères wazalendo, avec Dieu et nos ancêtres,la victoire est à nous ».
Une image provenant du Nigéria en 2016
Pour vérifier l’authenticité de cette image, nous avons fait recours aux outils de recherche d’images inversée de Google tels que, Google Lens et Yandex. Ces recherches nous ont menés à un article publié sur le site Tori News (lien archivé ici), qui fournit le véritable contexte.
La scène se déroule à Maiduguri, dans le nord-est du Nigéria, le 29 mars 2016. Elle documente une opération des forces armées nigérianes contre Boko Haram. Les soldats ont intercepté un convoi funèbre factice, à l’intérieur duquel étaient dissimulées des armes lourdes et des munitions, soigneusement cachées dans un cercueil afin d’échapper aux contrôles de sécurité.
« Des soldats nigérians vigilants ont intercepté des armes lourdes et des munitions dissimulées dans un cercueil pour tromper les services de sécurité dans une zone non précisée du Nigéria ».
Les assaillants se faisaient passer pour des pasteurs, prétendant se rendre à une cérémonie funéraire, et transportaient même une Sainte Bible pour parfaire leur déguisement.
Le message partagé par un utilisateur et se trouvant dans cet article de Tori News indique :
« Mesdames et messieurs, regardez ce que les militaires ont récupéré hier aux points de contrôle. Nous devrions conseiller à nos policiers de rester attentifs face à ce genre de ruse. Ces hommes, armés et munis de munitions, se sont fait passer pour des pasteurs et avaient même une Sainte Bible. Que Dieu leur pardonne ».

Nous avons également retrouvé un autre article, publié sur le site Echos du Congo Brazzaville (lien archivé ici), qui revient sur cette saisie d’armes et de munitions effectuée par l’armée nigériane lors d’un faux cortège funèbre à Maiduguri, une région considérée comme un bastion de Boko Haram.
« Les Forces armées nigérianes ont intercepté il y a quelques jours, un faux convoi funèbre dans la région de Maiduguri où sévissent les terroristes de Boko Haram. En lieu et place d’un macchabée, le cercueil contenait plutôt des armes et munitions destinées à Boko Haram. Les services de renseignement nigérian se demandaient bien comment Boko Haram s’approvisionnait en armes et munitions, la prise effectuée par l’armée nigériane lève un coin de voile sur ce trafic en armes qui impliquerait quelques “huiles” de la hiérarchie militaire »
L’article décrit également le stratagème utilisé : deux femmes en pleurs, accompagnées d’hommes impassibles, suivaient le convoi, suscitant la méfiance des soldats. La présence d’un pasteur en tenue liturgique escortant le prétendu défunt dans une zone hostile aux chrétiens a renforcé les soupçons, poussant les militaires à inspecter le cercueil.
« Deux femmes éplorées pleurant à chaudes larmes, aux milieux des hommes des plus stoïques, le contraste dans l’affliction a fini par éveiller les soupçons des militaires nigérians, sur ce convoi funèbre dont le pasteur vêtu de ses habits liturgiques accompagnait le défunt jusqu’à sa dernière demeure, dans cette zone hostile aux chrétiens qui, croisant la route des hommes de Boko Haram, signerait leur arrêt de mort », lit-on sur le site Eco du Congo Brazzaville.

Pour approfondir nos recherches, nous sommes tombés sur une publication en ligne datant de 2016, diffusée par Online de Cameroun, portant sur la lutte contre le terrorisme. Cet article rapporte une opération des forces armées nigérianes présentée comme une découverte marquante.
« Au Nigéria, un cercueil dans lequel étaient dissimulées des armes et des munitions destinées à ravitailler des terroristes a été intercepté. Les terroristes et leurs complices ont manifestement l’ingéniosité fertile. Déterminés à acheminer les outils leur permettant d’accomplir leurs atrocités, ils ne manquent pas d’inspiration. On les avait vus jusque-là se camoufler dans les tenues de l’armée ; se déguiser en mendiant ou en fou ; se dissimuler parmi les commerçants ; s’infiltrer entre les mototaximen… mais, ils peuvent aller bien au-delà. Même jouer au cadavre allongé dans un cercueil, afin de déjouer le dispositif sécuritaire mis en branle pour les traquer. Un récent coup de filet de l’armée nigériane est suffisamment révélateur », renseigne la publication Online de Cameroun, (lien archivé ici)

Les images de cet événement en mars 2016 au Nigeria sont encore à retrouver ici.
Analyse visuelle
Nous avons soumis la capture de l’uniforme visible sur la photo à Google Lens, ce qui nous a directement orientés vers des tenues militaires de l’armée nigériane. En comparant ces uniformes avec ceux portés par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), des différences notables apparaissent, tant dans le style que dans les caractéristiques visuelles, confirmant ainsi qu’il ne s’agit pas de tenues congolaises.

L’histoire de Boko Haram dans le Nord du Nigéria
Boko Haram est un groupe militant islamiste qui a émergé au Nigéria dans les années 2000, principalement dans le nord-est du pays. Fondé par Mohammed Yusuf en 2002, le groupe prône une interprétation radicale de l’islam et s’oppose fermement à l’éducation occidentale, d’où son nom qui signifie « l’éducation occidentale est un péché » en haoussa.
Initialement un groupe de prêcheurs, Boko Haram s’est transformé en une organisation armée après la répression violente des autorités nigérianes en 2009, qui a conduit à la mort de son leader, Mohammed Yusuf. Sous la direction de son successeur, Abubakar Shekau, le groupe a intensifié ses attaques, se livrant à des attentats suicides, des enlèvements de masse, des attaques contre des civils et des attaques ciblées contre l’armée et la police nigérianes.
Le groupe a également pris le contrôle de vastes territoires dans le nord-est du Nigéria, notamment dans les États de Borno, Yobe et Adamawa. Leur objectif principal est d’établir un État islamique fondé sur leur interprétation stricte de la loi islamique (la charia). Boko Haram est responsable de la mort de milliers de personnes et du déplacement de millions de civils dans cette région. En 2014, le groupe a attiré une attention internationale après l’enlèvement de plus de 270 filles dans la ville de Chibok, un événement qui a suscité un large mouvement mondial pour leur libération sous le slogan BringBackOurGirls.
Depuis lors, bien que l’armée nigériane et ses alliés internationaux aient mené des opérations pour repousser le groupe, Boko Haram reste une menace persistante dans la région. Il a également été lié à l’organisation terroriste de l’État islamique (ISIS), ce qui a compliqué les efforts pour éradiquer le groupe.
Verdict
La photo circulant sur les réseaux sociaux, prétendant montrer une saisie d’armes par les Wazalendo au M23 à Walikale, est une désinformation.
Les recherches effectuées par Google Lens, démontrent que cette photo provient d’une opération de l’armée nigériane contre Boko Haram à Maiduguri et n’a aucun lien avec le conflit en RDC. Nous encourageons le public à avoir une vigilance accrue face aux images virales, surtout dans ce contexte de guerre où la désinformation peut avoir des conséquences graves.
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